Quand j'écris, je ne lis pas. Ma tête tout entière occupée par le texte en cours d'écriture. Le soir, juste une grille de mots croisés pour glisser vers le sommeil.
Alors, quand j'ai fini d'écrire, je me remets à lire avec appétit! Je me goinfre en perspective de la prochaine séance de privation!!!
Donc, depuis 2 semaines, j'ai lu et aimé :
"Canisses" de Marcus Malte (2012 éditions In8)
La 1ère phrase : "Lui, sa femme, est vivante"
C'est l'histoire d'un mec qui mate ses voisins à travers les canisses qui clôturent son jardin. Il mate à mort. Il n'a plus que ça à faire, sa femme vient de mourir d'un cancer, ses gosses sont à l'école et lui en congé maladie.
Au fil d'une écriture sèche, sans fioriture, juste ce qu'il faut de ressassements pour transcrire les ruminations mentale de son narrateur, Marcus Malte entraine le lecteur à l'affût derrière les canisses. Sur le thème "pourquoi ça m'arrive à moi et pas aux autres", il tisse un court roman autour du basculement d'un homme ordinaire. Avant, tout allait bien, après rien n'est plus pareil et dans la tête du narrateur la réalité se déforme au prisme du chagrin.
"Les corps fermés" de Mathieu Simonet (Editions Emoticourt mai 2012)
La 1ère phrase : "J'avais quatorze ans et je n'aimais pas être seul"
Ce court roman est publié en numérique par une toute nouvelle maison d’édition spécialisée dans le format court, "Emoticourt".
L'auteur aborde sous le voile de l'auto fiction l'éveil d'un adolescent à son homosexualité. Une narration chronologique qui couvre la fin du collège et les années lycée. Ecriture moderne, simple, phrases courtes, vocabulaire parfois cru mais jamais vulgaire. Le narrateur raconte son parcours intime sans emphase, mais avec une pointe d'exaltation, celle de la jeunesse.
"La vie domino" d'Azouz Begag (Editions Emoticourt mars 2012)
La 1ère phrase : "Soudain, il pleut."
Un autre ouvrage publié par Emoticourt, à la fois au format numérique et papier.
Pour se mettre à l'abri d'une averse soudaine et violente, le narrateur pousse la porte du café du soleil, dans le quartier de la place du Pont, à Paris. L'auteur, dans une langue animée et colorée nous fait partager cette halte au comptoir de "maitre Mohamed". Une galerie de portraits tendres et drôles : le vieux chibani spécialiste en météo, le patron du café, les joueurs de domino qui jouent leurs vies en noir et blanc. Cette nouvelle m'a donné envie de lire l'un des succès de l'auteur, le Gone du Chaâba.
"L'Adversaire" Emmanuel Carrère (Editions Plon 2000)
Les 2 premières phrases : "Le matin du samedi 9 janvier 1993, pendant que Jean Claude Romand tuait sa femme et ses enfants, j'assistais avec les miens à une réunion pédagogique à l'école de Gabriel, notre fils aîné. Nous sommes ensuite allés déjeuner chez mes parents et Romand chez les siens, qu'il a tués après le repas"
L'affaire Romand. Cet homme qui a menti pendant 20 ans à tout le monde, famille, amis. Une vie bâtie sur du vide, sur du rien. Non, Romand n'était pas médecin chercheur à l'OMS. Il n'était même pas médecin du tout. Non il n'avait pas les moyens d'entretenir une famille. Il utilisait l'argent détourné auprès de ses parents et amis. Il a marché sur le fil pendant 20 ans. Puis, le fil s'est rompu. Interpellé par ce drame, Carrère se pose la question de savoir ce qui se passait dans la tête de Romand pendant les heures qu'il passait seul, ces heures où il était censé être dans son bureau de chercheur, en voyage, en séminaire. Et pour comprendre, l'auteur ne voit qu'une solution : poser la question directement à l'intéressé. S'ensuit une correspondance qui va permettre à Emmanuel Carrère de retranscrire dans une langue sobre et soignée ce qu'il saisit de cette dramatique histoire.
J'ai beaucoup aimé ce livre très digne et humain dont le héros me rappelle tant les héros des romans noirs de Simenon, ces hommes si forts au dehors et si faibles en dedans. Ces histoires de vies qui paraissent normales jusqu'au jour où elles explosent violemment, ne laissant que débris et cendres.