Temps d'écrire
Raison bousculée, aller à la
pêche aux mots dans la vase de nos entrailles.
Et même si la plume grince sur le
papier, même si la plume coince à l’interligne,
continuer, ne pas lâcher, tracer,
tracer, coûte que coûte, poser les signes sur cette page parfois trop blanche,
parfois trop courte.
Courtes me paraissent ces heures
d’évasion, je voudrais qu’elles s’étalent, qu’elles s’étirent à ne jamais finir.
Ne jamais finir d’écrire, de
laisser sortir ce jus sombre et surprenant.
" Ecris, écris, me
souffle la petite voix intérieure de la passion, écris, écris, et plus tu
écriras plus tu sauras"
Tu sauras d’où tu viens, tu
sauras qui tu es, tu sauras même où aller.
Aller là où te porte ta voix, là
où t’entraînent les mots, un peu plus loin, encore un peu.
Peu importe la peur, peu importe
le temps, ça demande de la patience, parfois même de la souffrance.
La souffrance de fouiller dans
les replis, dans les recoins, ceux que la lumière n’atteint pas.
Pas évident d’y regarder de plus
près, dans ces coins là, ça poussière, ça grisaille, ça s’entasse, ça
s’encrasse et ce n’est pas beau d’y mettre les doigts.
Les doigts qui tripaillent dans
ce tas épais et sombre, ce tas d’émotion, de remords, de colère, de regrets.
Regrets de n’avoir pas dit, pas
pu, pas fait.
Fait du beau, du joli, de
l’honnête, du facile.
Facile à dire, mais plus
difficile à faire, les belles choses.
Les belles choses, on les
voudrait pour nous, tout le temps, mais ça s’échappe, ça fout le camp, comme le
bout de savon trop mouillé qui ne veut pas nous laver.
Nous laver de nous-même, c’est ce
que nous voudrions dans l’écriture, se débarbouiller, se décrasser, faire le
ménage et s’apprivoiser.
Apprivoiser ce cœur qui n’en fait
qu’à sa tête, sursaute et tressaute au moindre courant d’âme.
Ame qui vive dans nos ventres
surchargés, âme qui pleure dans nos cœurs éventrés.
Eventrés de douleur, éventrés de
terreur, reste l’écriture pour panser nos plaies jamais refermées.
Refermer le cahier quand les mots
sont posés, ranger la tripaille dans le ventre allégé, clore la bataille contre
soi-même menée.
Mener son cœur au repos, il l’a
bien mérité. Jusqu’à la prochaine page. Jusqu'à la prochaine plage. Plage de
temps. Temps d'écrire. De s'écrire.
© Fabienne Rivayran janvier 2010