Dans quel état est Thierry Radière?
Appel à contributions : Dans quel état êtes-vous quand vous donnez vos textes à lire (éditeurs, amis...) si vous aussi vous voulez évoquer cet état si particulier, propre à chaque auteur, écrivez un texte et venez le partager (en m'adressant un mail)
Je vous propose de reprendre l'incipit suivant : "Lorsque j'envoie un texte (à un éditeur, à un ami)..." et ...c'est à vous!
Voici à présent les confidences de Thierry Radière.
Lorsque j’envoie un texte à un éditeur, ma femme l’a lu au préalable : elle est ma première lectrice. Et avant de le lui soumettre, je le lis et le relis à nouveau plusieurs fois en essayant d’être le plus objectif possible. Quand je sens que je ne le suis pas, j’abandonne et je reprends la lecture du manuscrit quelques semaines plus tard, comme si c’était un texte de quelqu’un d’autre que je découvrais par hasard dans mon tiroir. Cette distance avec son propre texte est difficile à respecter et même si elle est plus ou moins bien réussie, elle est obligatoire, incontournable. J’obéis à une espèce de rituel qui m’exaspère au fond et à la longue. Je voudrais tout réécrire au moment où mes premiers lecteurs me lisent ; revenir au bureau de poste et plonger mon bras dans la boîte aux lettres pour récupérer le manuscrit parce que subitement je me dis qu’il faudrait en changer le titre, j’en ai trouvé un meilleur. Puis plus les jours, les semaines et les mois passent, plus je me dis que j’en étais sûr que ça n’aurait pas plu à l’éditeur : il ne répond pas. Lorsque j’envoie un texte à un éditeur, je sais d’avance qu’il n’en voudra pas et j’ai honte d’avoir été aussi stupide avec moi-même. Je m’en veux de m’être comporté comme un enfant maniaque et caractériel qui n’attend que ça qu’on lui dise qu’il a bien travaillé. Quand je reçois les lettres ou les mails de refus - au meilleur des cas – je ne les lis plus jusqu’au bout, je sais dès le début que toutes mes précautions de fétichiste prises avant l’envoi n’ont servi à rien. En revanche, j’aime toujours entendre - au même moment où je reçois un message de refus que je supprime ou mets à la poubelle - ma femme me confier que si elle était éditrice, elle, elle éditerait mes milliers de pages sans hésiter. C’est aussi un peu pour elle que je continue à envoyer des textes à des éditeurs.
A qui le tour?