Raymond et moi
Raymond, je l'ai rencontré sur le tard. Jusque là, je fréquentais surtout des auteurs de roman policier très classiques, hommes ou femmes. Pas difficile sur le sexe mais pas curieuse de la nouveauté non plus, je me contentais de ce que je connaissais.
Quand j'ai osé regarder ailleurs, j'avais largement dépassé la quarantaine. Je fréquentais depuis quelques mois un atelier d'écriture, je cotoyais d'autres dingues de mots, un monde s'ouvrait à moi.
On m'a présenté Raymond comme un homme difficile mais passionnant. C'est vrai qu'au premier abord, ses "Vitamines du bonheur" m'ont semblées suspectes. Il m'a fallu un peu de temps, une quarantaine de pages, pour que je me laisse aller. Alors là, ça m'a fait comme relâchement au niveau du ventre, quelque chose de l'ordre du viscéral. Il existait donc une autre façon de raconter les histoires! On avait le droit de raconter des histoires qui n'étaient pas vraiment belles, sur des gens qui n'étaient pas vraiment heureux, dans un monde qui n'était pas vraiment doux. On avait le droit de raconter la vie de ces gens-là, des gens normaux, ratés, déçus. Des gens sans importance. J'avais le droit de faire ça, de raconter des histoires simples, de mettre en lumière des personnes au parcours banal.
Depuis, Raymond et moi, on passe de bons moments ensemble. Je le relis régulièrement, il a le don de me rassurer. Sous sa voix un peu bourrue, un peu rêche, j'entends qu'il me parle d'amour, tout simplement.
Ici, un article publié dans le Tiers livre.
Là, une interview de Stéphane Michaka, dont le livre "Ciseaux", évoque de façon passionnante la vie et l'oeuvre de Raymond Carver.