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L'atelier de Fabeli
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19 août 2010

La fenêtre ouverte

fen_tre_ouverte_matisse  Matisse : "la fenêtre ouverte " 1905

 

Je voudrais peindre ce que je vois de ma fenêtre ouverte, celle de ma chambre qui est au premier étage, parce que du rez-de-chaussée on ne voit rien que les murs gris de l’épicerie. Mais au premier, de ma chambre, on voit déjà la mer.


C’est une fenêtre ordinaire, à deux battants, surmontée d’une partie fixe comportant deux carreaux. Les deux battants sont de la taille d’un homme, c’est ce qu’on appelle, je crois, une porte-fenêtre. Lorsqu’on ouvre cette porte-fenêtre, il y a comme un espace entre le cadre et la balustrade. Ce n’est pas une terrasse, à peine la place de poser deux ou trois pots de fleurs bien garnis, dont une plante grimpante au feuillage clair. Elle s’est appropriée le pourtour de l’encadrement, comme un feston végétal soulignant la vue. Cette vue, justement, a de quoi contenter l’observateur le plus réticent. Dans ce cadre de verdure délicatement agité par la brise, on embrasse du regard un morceau de la crique où sont amarrés de petits voiliers multicolores. Selon l’heure du jour à laquelle on ouvre la fenêtre, les couleurs sont vives et brûlantes ou bien douces et apaisantes.

C’est au milieu de la matinée que je préfère poser les yeux sur ce tableau charmant. L’estomac content d’avoir avalé deux bols de café au pain trempé, j’aime cette heure où je remonte d’un pas lent à ma chambre, sûr d’y trouver ma femme tapotant les draps en chantonnant. Elle s’affaire, met de l’ordre, dépoussière et, pour ne pas trop gêner, je me plante devant la fenêtre ouverte. Je pourrais attendre, en bas, qu’elle ait terminé. Mais j’aime ces quelques instants ordinaires, moi, devant ma fenêtre ouverte, à humer le temps qu’il fait, la lumière qui passe, elle, dans mon dos, légère, d’une gaieté sincère, fredonnant un air du pays. Pour finir, nous échangeons trois mots sur le fil de la journée, que mangerons-nous à midi, puis elle me quitte, joue tendue pour un baiser, une autre chambre à faire, un enfant à baigner.


Je voudrais rendre, si je savais y faire, la quiétude de ces matins-là, le doux balancement des mâts, l’ondulation exquise de l’eau, les corolles soyeuses d’une plante dont j’ignore le nom mais qui frémit timidement quand l’effleure le souffle léger du vent.


Sur une toile blanche je poserai du bleu, du vert, beaucoup de rose, du pâle, du foncé et de l’orangé, aussi, qui vibre dans la lumière du soleil. De ces couleurs qui n’existent vraiment que dans l’air de ces heures-là, dans la brume matinale qui brouille l’horizon, dans le bruissement de la chaleur à venir, comme une vibration immobile que devine l’œil, un infime tremblement de l’image qui n’existe pas, que l’on ne peut nommer, à peine le sentir, au bord des paupières, une impression.

Ce texte a été publié dans la revue en ligne Ecrits Vains en octobre 2008

© Fabienne Rivayran 2008




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15 août 2010

Elle fait des galettes...

...c'est toute sa vie

De Karine Fougeray

couv_galettes

Aux éditions Delphine Montalant

Recueil de 14 nouvelles assez courtes, instants de vie croqués autour du bord de mer, quelque part en Bretagne.

Justement, j'ai lu ce livre pendant mon séjour à Capbreton, accompagnée des senteurs marines et du cri des mouettes, j'étais dans l'ambiance!!!

J'ai bien aimé ces nouvelles parfois tendres (Elle fait des galette... Comment ne pas perdre la tête), parfois grinçantes (un amour de crustacé, A la pêche)

Certains personnages sont  justes esquissés, comme dans une aquarelle, mais pourtant on saisit l'ensemble dans son harmonie.

9 août 2010

Au bout...

Jet_e_capbreton

J'ai peur de rien. Pourquoi devrais-je avoir peur de quelque chose?
Qu'y a-t-il à craindre dans cette vie?
Quoi? La fin? Le bout du bout? Le dernier souffle?


Je suis comme tout le monde. Je redoute de pousser la dernière porte. Surtout que je n'ai pas cherché à imaginer qu'il y aurait un après. Quelque chose comme un jardin avec des fleurs, des parfums, des plaisirs. J'ai préféré croire qu'il n'y a rien d'autre que cette vie, ici, aujourd'hui additionné d'hier et d'un peu de demain.

J'ai peur de rien. J'ai bien compris que tout a une fin. Les roses effeuillées, les nuages de poussières, le jour comme la nuit. Tout finit et moi aussi. Au microscope, je verrais sans doute le début de la fin, le délitement des os, des cartilages, l'affaiblissement des fibres musculaires.
Il y a bien des bricoles qui mettent la puce à l'oreille, la vue qui dégringole, la peau qui se détend, tirée vers le bas. On lutte, on s'efforce, on se maintient. Pas la peine d'en faire une histoire. Egalité pour tous. Personne n'y coupera, chacun son tour, billet aléatoire en main. Aujourd'hui, demain, un peu plus tard.

J'ai peur de rien, je vous dis. Tout est normal, l'ordre des choses, ainsi va le monde.
A la rigueur, un truc qui m'ennuie, me tarabuste.
Ne pas être seule. Croiser une dernière fois un regard, peut-être même un sourire ou bien des larmes, je m'en fous, quelque chose d'humain.
Avoir la certitude que rien n'a été vain.

Fabeli 2009

3 août 2010

Où vas-tu?

route

 

Je ne sais pas.

Je suis partie le jour de ma naissance et j’avance.

C’est une route praticable. Elle peut être belle. C’est à voir.

Avancer. Pas le choix. Immobile impossible.

C’est par où ? C’est par-là ?

Droit devant, tout tracé.

C’est pas sûr. Je tâtonne.

Hésitations

Suppositions

Dérisions.

Impossible immobile.

Je marche sur les traces, m’en détache, m’en détourne.

Mon empreinte veux creuser.

C’est par où ? C’est pour quoi ?

C’est pour rien, pour finir en pluie fine, en coquillage, en reptile.

C’est par où ? Dans quel sens ?

J’avance.

Une lumière j’aperçois, tout au fond, minuscule,

Qui fait taire ma déraison.

 

© Fabeli Mai 2008

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